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Valentine Galey - crédit photo: Stéphane Péniguel
Tessa Volkine
Valentine Galey - Danielle Chinsky
Valentine Galey - crédit photo: Stéphane Péniguel
Dès que j’ai eu commencé à écrire ce texte, fondé sur une structure éclatée, fragmentée, et sur une notion d'urgence et de décalage permanent, j’ai eu l’intuition que l’unité complémentaire à cette déconstruction volontaire se trouverait dans le rapport au plateau.
Tout est parti d’ailleurs d’une envie de travailler avant tout, avec l’humain. D’appréhender ce texte au travers de son incarnation. J’ai écrit directement en pensant à certains acteurs. Autour d’un désir de jeu. Et également d’une volonté de création musicale forte qui servirait d’ossature au spectacle. Je souhaite concevoir cette mise en scène comme une forme d’orchestration et de conjonction entre divers arts. Et comme un univers ayant vocation à pouvoir exister, outre les espaces théâtraux, également en dehors des espaces dédiés, dans des endroits peut-être plus atypiques et décalés...
Les parties dialoguées se croiseront sans forcément se répondre, et se répondant parfois, se complétant, portées par les sept interprètes - six comédiens, et une musicienne. Ils évolueront dans un espace quasi vide, qui ne devra pas pouvoir être immédiatement identifiable, entre univers urbain, matrice protectrice ou hostile, selon les instants - post-traumatique, en tout cas. L'idée étant d'assumer un travail sur les archétypes - chaque spectateur de ce fait, étant amené à percevoir et identifier autre chose, en fonction de sa propre sensibilité et de son propre parcours de vie.
Au sol, les acteurs vont tracer des fragments de phrases, à la craie qui, pris isolément, ne racontent rien, mais dont l'ensemble forme un tout. Ces fragments vont donner naissance au fil du spectacle à un autre texte. Par le biais d'effacement. Et aussi de transformations - des lettres. Des mots. Comme la route à parcourir. La ligne parfois brisée, disjointe, chaotique, incertaine, mais toujours existante, du chemin - de vie. Et l'importance de la parole.
Sur le plateau quasi nu, quelques sièges, pouvant évoquer un espace, un univers différent. Entre métro, train de la mort, square, parking, ou autre... Peut-être aussi, un grand tableau abstrait au cadre disjoint, transformé au fil du texte, si nécessaire. Peut-être, une portion d'espace "bar" à cour, ou au lointain, avec un ou deux tabourets de bar, quelques verres, qui serviront non seulement au jeu mais aussi à la musique scénique. Un espace sera spécifiquement dédié à Ana, à jardin 2/3 lointain. Il sera sans doute délimité et tracé à la craie par Ana elle-même. Elle ne pourra pas en sortir d'elle-même. Et si Naa parvient à en effacer suffisamment, Ana retracera son propre espace d'enfermement.
Un espace sera dédié à la chanteuse également, à cour. Avec un micro sur pied, un clavier et/ou une guitare. Elle ne quittera jamais le plateau. Et ses actions, qu'elle chante, soit en observation, ou en désintérêt de l'action, centrée sur autre chose, feront contrepoint permanent, générant un équilibre ou à l'inverse, une bascule vers le point de rupture...
Les comédiens eux aussi, seront quasiment tout le temps tous sur scène. Le texte étant conçu comme une partition, les temps de silence ne sont pas des temps d'arrêt de jeu, mais des temps où le texte n'est pas audible.
Le focus du spectateur se fera plus spécifiquement sur l'un ou l'autre des personnages, mais s'il est amené à regarder autour, il y a en permanence d'autres points de vie annexes, non moins importants.
Traversant là aussi l’idée de diffraction – au travers de sa matérialisation sous forme de filaments lumineux aléatoires déterminant des parcours de jeu, mais aussi d’un travail en collaboration avec une designer ayant créé un textile lumineux –, nous nous interrogerons sur les notions d’opacité et de transparence, de voilement, et de dévoilement, du rapport à la matière/membrane – souple ou rigide, d’un possible décor semblant rigide mais qui se déchirerait comme les mots déchirent l’enfermement des personnages, et de ce travail de recherche autour des nouvelles technologies, porté par une réflexion sur l’espace mental et la physique quantique… Comment fluidifier et créer du mouvement avec de la matière, organique et technologique.
Comment visuellement et musicalement, ouvrir ou resserrer des espaces de jeu et de vie servant le texte?
Le 4ème mur sera effacé/ brisé (fragmentation, là encore) . Certains textes seront sans doute dits depuis la salle, les acteurs au plateau devenant spectateurs, dans une inversion du rapport. La dramaturgie sonore sera un élément scénographique important, scénique, et off.
L’image de fin sera, descendant des cintres dans l'obscurité, une seule lumière ténue et vacillante, avec une mélodie yiddish a capella. Au sol (ou au mur) du désordre apparent des signes et lettres tracés à la craie, puis, pour certains, effacés ou brouillés, sans que l'on puisse d'abord s'en apercevoir, et alors que le plateau est maintenant presque vide, apparaît comme par magie la phrase finale "In memoriam Rozsi Honig (1924-2019)", née des fragments de texte du début après transformation, tandis qu'Ana vient silencieusement placer la pierre du souvenir, comme dans les cimetières juifs, sur le plateau. Puis sort.